Le pitch
Pourquoi
un pitch ?
Nous sommes
pour la plupart très maladroits pour dire en peu de mots qui nous sommes
professionnellement. Il y a à cela au moins deux raisons.
La première
est que nous n’avons pas toujours les idées claires sur ce que nous valons et
ce que nous sommes professionnellement. Nous avons fait tant de choses !
Et nous avons du mal à dire l’essentiel lors des diverses occasions que nous
avons de nous présenter. Nous nous embrouillons, sautons du coq à l’âne alors
que nous voudrions montrer combien nous sommes logiques et rationnels, ou bien
nous nous ensablons dans les détails d’une chronologie obsessionnelle. Nous
délayons, lassons, ennuyons, quoi de pire ?
La deuxième
raison est que nous voulons plaire, séduire, professionnellement parlant. Et
nous serions parfois prêts pour cela à présenter de nous des aspects tout à
fait accessoires, et sur lesquels nous ne sommes pas réellement légitimes. Et
donc pas crédibles.
Le pitch,
qu’est-ce que c’est ? Le terme de pitch
vient de l’expression elevator pitch,
situation où l’on se trouve dans un ascenseur face à la personne qui peut vous
donner le job de vos rêves. Il faut donc faire vite ! C’est donc une
phrase, deux au maximum, pour dire qui vous êtes professionnellement et ce que
vous souhaitez faire dans un proche avenir. C’est votre valeur actuelle, et non
la chronologie de votre histoire, même racontée de façon très synthétique.
C’est aussi accepter définitivement que vous ne plairez pas à tout le monde et
vivre avec cette idée, sereinement. Le pitch est une sorte d’écran sur lequel
vos interlocuteurs peuvent projeter leurs attentes, s’ils en ont qui peuvent
vous concerner.
Comment ça marche ? Il s’agit
de retenir l’essentiel, les compétences métier apparues le plus fréquemment
dans vos réalisations probantes, sans respecter l’ordre chronologique, ni
énoncer vos diplômes, ni parler de votre vie personnelle. Il est important dans
votre pitch de dire « Je »,
ce qui montre que vous énoncez des certitudes. Dans la mesure où utiliser un pitch ne vous est pas forcément naturel,
vous avez intérêt à le préparer par écrit, mais en langage parlé, puisqu’il est
essentiellement utilisé à l’oral. Une version en langage écrit peut également
être utilisée dans un mail.
A quoi ça sert ? Si la
situation de l’ascenseur peut paraître rarissime, il y a beaucoup d’autres
situations où le pitch est la seule
façon de dire efficacement ce que vous voulez que votre interlocuteur retienne.
Vous avez 20 à 30 secondes, pas plus. De cette façon, vous pouvez espérer la
mémorisation d’un ou deux mots clés de la part de votre interlocuteur. Et soyez
sûr que si un de ces mots fait tilt, il saura vous interroger. Il sera donc
toujours temps de répondre aux questions qu’il vous posera.
Le pitch peut servir dans de multiples
occasions, avec le chasseur de tête, le chargé de recherche,
l’opérationnel qui vous dit « présentez-vous ». Même si vous devez
ensuite revenir à la chronologie, vous aurez au moins pu dire l’essentiel de
façon concise. Il vous servira aussi avec un ancien collègue que vous croisez
par hasard et qui vous demande « qu’est-ce que tu deviens ? »,
ou avec un inconnu dans un cocktail, un dîner ou une manifestation quelconque,
qui vous demande « qu’est-ce que vous faites dans la vie ? ».
Notre
personnage du jour vit exactement ces difficultés, car son parcours riche et
son tempérament extraverti l’amènent à trop parler et façon malheureusement
désordonnée. Observons…
Didier a 52 ans.
C’est un hyperactif, flambeur, amoureux de la
montagne et des femmes. Il a fait son service militaire dans les chasseurs
alpins. Mais en rupture avec sa famille, tous serviteurs de l’état, il sort
de la voie tracée et veut entrer dans le commerce.
Il obtient son premier poste dans la grande
distribution en tant que chef de rayon « montagne », pour devenir
rapidement chef de produit. Il quitte l’entreprise au bout d’un an.
Il intègre un autre géant de la grande
distribution en qualité de chef de produit, puis s’occupe du marketing
« biscuits, chocolats », et devient ensuite responsable
« frais ».
Didier devient chef de groupe
« alimentaire » à 31 ans.
A 34 ans, il prend le poste de directeur
marketing d’une filiale en difficulté.
A 36 ans, il prend la responsabilité de tout le
marketing du groupe, puis à 38 ans, il est chargé de « remettre de
l’ordre » dans la filiale chinoise de l’entreprise, ce qu’il fait avec
succès.
Didier est ensuite nommé Directeur général
adjoint, il crée une filiale de vente sur Internet qui enregistre rapidement
une forte croissance.
Mais l’amour de la montagne ne l’a pas quitté. Il
commence à 42 ans à se préparer pour l’ascension de l’Everest qui doit avoir
lieu 4 ans plus tard.
En même temps, il prend la responsabilité de la
filiale procurement du groupe.
A partir de cette époque, il occupe plusieurs
fonctions simultanément : son poste de DGA au siège, le procurement, la filiale chinoise, une
filiale au Brésil, une petite filiale française à redresser …
Tout ce qu’il entreprend et enchaîne réussit.
Il a 46 ans, on peut parler de l’apogée de sa
trajectoire. Sa famille a même fini par être fière de lui !
C’est aussi l’année de l’Everest. Lorsqu’il en
revient, aucune nouvelle proposition de poste ne lui est faite. Il enchaîne
des missions, mais a l’impression que quelque chose est cassé dans sa
trajectoire.
Deux ans plus tard, il a 48 ans, un changement
d’actionnaire, doublé d’un changement de stratégie du groupe font qu’il est
licencié, et ce, de façon plutôt expéditive.
C’est le premier coup dur professionnel pour
Didier, un choc qu’il mettra du temps à surmonter. Oisiveté, ennui, doutes …
Dépression, alcool … On peut dire que depuis il cherche sa voie.
Il contacte son réseau, notamment familial, ce
qui lui permet de rencontrer du monde, et du beau ! Mais sa méforme le
rend peu convaincant au cours des entretiens. Il raconte ses réussites
professionnelles, « son » Everest, tout est passionnant, bien sûr,
mais ne fait pas de lui quelqu’un qu’on souhaite embaucher. On l’écouterait
pendant des heures, mais ses talents de conteur n’en font pas un
collaborateur potentiel…
Didier a eu jusqu’à présent une vie mouvementée,
passionnante, pleines de réalisations probantes, très probantes. Mais plus il
raconte, moins il est clair. On se perd dans les dates, on confond les N+1,
leurs motivations, ses motivations à lui, qui ont varié au fil du temps …
Plus il raconte, moins ses interlocuteurs voient en lui la personne qu’il
leur faut. Pendant qu’il parle, ils se posent des questions :
« pourquoi cherche-t-il un travail ? Il a l’air brillant, où donc
est le problème ? A-t-il fait des erreurs qu’il ne raconte pas ?
S’il n’en a pas fait, va-t-il me prendre mon job ? Bon, il est
intéressant, mais compliqué, ça ne va pas ».
Il lui manque un pitch !
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- Si vous avez des difficultés pour structurer votre pitch, commencez-le par « Je suis expert, spécialiste, passionné, excellent en … » puis indiquez vers quoi vous vous projetez maintenant.
- Si vous hésitez à parler d’un projet pas encore abouti, rappelez-vous que la langue française nous offre des termes tels que : « j’envisage de …, j’hésite entre …, je pense à … »
- Si vous avez deux métiers, ou deux projets, osez le dire !
- Si vous avez été ou allez être licencié, évitez « je suis sur le carreau, je suis en recherche, la période n’est pas facile, vous n’auriez pas quelque chose pour moi ? » Toutes phrases qui montrent que vous n’avez pas encore « digéré » l’évènement, et qui ont tendance à réveiller l’inquiétude de votre interlocuteur : « Et si cela m’arrivait à moi aussi », pense-t-il.
- Si vous avez besoin de repères, sachez que 30 secondes = 80 mots.
Didier, suite …
Didier doit donc apprendre à parler avec
concision de sa trajectoire passée et dire en peu de mots ce qu’il a envie de
faire.
Il cherche aujourd’hui à reprendre une
trajectoire dynamique, quitte à être amené à se partager entre plusieurs
activités. Il aimerait proposer à plusieurs patrons de grands groupes non
concurrents entre eux de les aider à manager des filiales en
difficulté ; ces entreprises sont dirigées aujourd’hui pour la plupart
par de jeunes créateurs, qui ont besoin d’être structurés, coachés,
accompagnés, ce que Désiré s’estime capable de faire et bien faire. Il doit
montrer aussi qu’il n’est pas dangereux et ne cherche pas à prendre la place
de son interlocuteur …
Voici son pitch :
« En 20 ans, j’ai à peu près tout fait dans
la grande distribution, de l’organisation à la direction générale, en passant
par les achats, en France et à l’international. Aujourd’hui, je peux
accompagner des top managers, pourquoi pas en temps partagé, sur des projets
sensibles dans votre cœur de métier ou vos filiales ».
53 mots !
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